Dernier numéro

Recherche-création autour de l’intime
Sous la direction de Martin Bonnard et Diane Poitras

Selon l’acception courante, l’espace intime est un territoire fermé, intérieur, lequel confère un caractère privilégié aux personnes y ayant accès, notamment par l’amitié, l’amour ou la sexualité. Cette conception, centrée sur l’individu, place l’intimité en opposition avec l’espace public et politique. Or, avec l’avènement du web et la circulation des images en réseau, l’intimité envahit l’espace public. L’exposition de soi sur les médias socionumériques, de la mise en ligne des images du quotidien au partage des pensées les plus intérieures, s’apparente parfois à des journaux intimes ouverts à tout vent. Ce phénomène requiert d’explorer à nouveaux frais notre compréhension de l’intimité, car celle-ci semble soudain contradictoire avec la réalité qui se développe en ligne.

Dès lors, l’intimité comme « concept relationnel » (Fœssel 2008) peut donner lieu à une redéfinition du rapport entre cette portion de la vie individuelle et l’espace collectif. Dans cette perspective, plutôt qu’un espace clos fermé sur lui-même, l’intimité apparaît comme la face cachée (ou interne) des relations sociales. Une telle conception de la sphère intime fait ainsi écho au slogan féministe qui, bien avant les pratiques connectées, proclamait que « le personnel est politique », abordant cet enjeu sous un autre angle et révélant un lien essentiel à la vie démocratique.

Le prisme de l’intime en tant qu’espace étroitement connecté à la sphère publique constitue ainsi, selon notre lecture, une manière, originale et riche, de percevoir dans le cinéma des enjeux démocratiques en tant que forces et tensions qui résonnent dans les deux sphères. Plus spécifiquement, nous y voyons un moyen d’aborder sous un jour nouveau la pratique de recherche-création en cinéma documentaire. En effet, celle-ci, en arrimant solidement une démarche de pensée théorique et une démarche de création, donne l’occasion, dans les textes de ce numéro, d’éclairer l’expérience intime mise à contribution dans un travail de réflexion sur le monde exercé par le ou la documentariste.

C’est ce que propose ce dossier en réunissant des articles de cher-cheur·euse·s émergent·e·s et de praticien·ne·s. Faisant retour à leur propre travail de recherche-création, les auteur·rice·s réuni·e·s ici explorent les formes de circulation de l’intime, les possibilités de son évocation par le cinéma et la place qu’il occupe dans la pratique même du cinéma documentaire.

[Extrait de la présentation du numéro]

Avec les contributions de
Natalie Bookchin, Bálint Demers, Henri-François Imbert, Marie Braeuner et Diane Poitras

Hors Dossier
Guilherme Machado et Yahaglin David Camara